La meilleure façon de faire du pesto

Ella Quittner — Traduit par Florence Delahoche (sur slate.fr )

Après de (trop) nombreux essais, je suis parvenue à déterminer comment faire un pesto digne des tables génoises.

Temps de lecture: 10 min

Maurizio Valle fait beaucoup, beaucoup de pesto. Il en prépare une bonne centaine de fois par an, d'après ses estimations.

Habitant à Gênes (capitale de la Ligurie et ville d'origine du pesto), Maurizio Valle, 77 ans, a été finaliste du Championnat mondial de pesto. Il possède une collection d'une trentaine de mortiers et pilons, dont certains provenant d'un couvent du XVIIe siècle. Le mortier qu'il a choisi pour faire la démonstration de sa technique phare lors de notre conversation vidéo est en marbre et doté de quatre poignées autour de la partie haute, destinées à rappeler à celui ou celle qui l'utilise de tourner le récipient de temps à autre afin d'obtenir un pesto le plus onctueux possible.

Je suis entrée en contact avec Maurizio Valle (l'un des «grands-pères» qui figurent dans le livre de cuisine Pasta Grannies, de Vicky Bennison, qui a remporté le prestigieux prix James Beard) dès que j'ai su que mon prochain sujet de recherche pour Absolute Best Tests serait le pesto. Je me doutais qu'il pourrait me donner un ou deux (voire dix) bons conseils.

Sa technique reste irrémédiablement la même à chaque fois qu'il réalise un pesto –il n'utilise que le mortier et le pilon, commence par écraser l'ail, puis le basilic, ajoute les pignons de pin avant le fromage, et finit par l'huile, qu'il mélange avec une cuillère–, mais Maurizio Valle considère qu'il y a une seule règle à laquelle on ne doit pas déroger: ne jamais faire l'impasse sur l'ail.

À en croire le site Saveur, la toute première recette de pesto genovese (la spécialité de Maurizio Valle) aurait fait son apparition dans le livre de cuisine La Cuciniera Genovese, de Giovanni Battista Ratto, en 1863. Le mot «pesto», qui vient quant à lui du verbe «pestare», soit «écraser» en italien, a apparemment fait son entrée dans le dictionnaire d'italien génois de Giovanni Casaccia en 1876.

Aujourd'hui, soit près de cent-cinquante ans plus tard, il est devenu –du moins dans de nombreux pays occidentaux– une sorte de terme fourre-tout servant à désigner les sauces à base de basilic réalisées de toutes les façons possibles, que ce soit avec un blender, un robot ménager ou un hachoir à lame en demi-lune (appelé aussi hachoir berceuse ou mezzaluna) assez peu pratique à ranger dans ses tiroirs.

Ayant conscience que la plupart des mes congénères qui vivent en ville n'ont pas la place d'avoir une collection complète de mortiers comme Maurizio Valle, j'ai testé quelques-unes des méthodes les plus utilisées pour faire du pesto, afin de déterminer les avantages et les inconvénients de chacune d'entre elles.

Sur Internet, la quantité de chaque ingrédient varie énormément d'une recette de pesto à l'autre, certaines indiquant quatre fois plus de pignons de pin que d'autres. Pour chaque essai, j'ai opté pour un ratio entre les ingrédients proche de celui préconisé par Maurizio dans l'ouvrage Pasta Grannies, que j'ai diminué sensiblement pour chaque préparation, les pignons de pin coûtant à peu près autant qu'un lingot d'or. Ingrédients et méthodes

   1 gousse d'ail
   Une demie cuillère à café de sel (Maurizio Valle conseille du sel gemme, pour donner de la puissance au pilon; j'ai utilisé du gros sel)
   3 bonnes tasses de feuilles de basilic (Maurizio Valle ne jure que par le jeune basilic doux qui pousse à Prà, mais si, comme moi, vous n'arrivez pas à en trouver, il suggère de prendre des bouquets de basilic à petites feuilles tendres)
   3 bonnes cuillères à soupe de pignons de pin italiens, non grillés (je reconnais avoir utilisé, dans l'une de mes préparations, des noix au lieu de pignons de pin –voir ma remarque sur le prix de l'or, ci-dessus– mais je suis ravie de pouvoir annoncer que malgré ce changement, le résultat était tout aussi délicieux, et le goût de la noix plus prononcé)
   Un gros tiers de tasse de fromage râpé (un mélange de parmesan et de pecorino; Maurizio Valle recommande de combiner 4 cuillères à soupe de Parmigiano Reggiano âgé de 18 mois, voire plus, et une demie cuillère à soupe de Pecorino Sardo)
   Un tiers de tasse d'huile d'olive extra-vierge au goût peu marqué

J'ai testé en tout sept méthodes pour réaliser mon pesto:

   Mortier et pilon
   Mixeur plongeant
   Couteau de chef
   Hachoir demi-lune (mezzaluna)
   Robot de cuisine, en mettant le basilic en premier
   Robot de cuisine, en ajoutant le basilic à la fin
   Blender

Vous trouverez ci-dessous toutes les méthodes testées, classées dans l'ordre (approximatif) du meilleur pesto au un peu moins délicieux. (Pour info, j'accepterais de manger n'importe lequel de ces pestos si vous prévoyez de m'inviter à un dîner dans le respect de la distanciation sociale. N'oubliez pas de faire aussi une focaccia, s'il vous plaît!).

Mortier et pilon

La préparation au mortier et au pilon est la meilleure méthode pour faire du pesto, ce qui ne surprendra aucune personne ayant eu le plaisir de faire une discussion vidéo avec un finaliste du championnat du monde de pesto. Cette technique m'a permis de réaliser une sauce particulièrement onctueuse, grâce à une bonne émulsion, et dont la saveur de basilic était la plus marquée de toute la série. L'huile s'échappait à peine du pesto une fois terminé, et pas un seul petit morceau non écrasé n'était visible une fois le pilonnage achevé.

Méthode adaptée de la recette de Maurizio Valle, dans Pasta Grannies

   Utilisez un mortier pour écraser l'ail et le sel jusqu'à former une pâte.
   Ajoutez le basilic en imprimant un mouvement circulaire au pilon autour du bord intérieur du mortier afin de le broyer, plutôt que de le marteler dans un mouvement vertical. Le basilic doit être mis avant les pignons de pin, afin que les graines puissent absorber l'eau libérée par le basilic.
   Ajoutez les pignons de pin et incorporez au mélange ail-basilic en conservant le même mouvement. Répétez l'opération pour le fromage jusqu'à obtention d'une pâte épaisse et brillante.
   Incorporez l'huile d'olive à l'aide d'une cuillère, et non du pilon, afin que le bois n'affecte pas le goût.

Mixeur plongeant

Je ne crois pas moi-même à ce que je vais vous révéler à présent, mais la technique du mixeur plongeant est une révélation, et la texture ainsi que la saveur du pesto réalisé ne sont pas loin du merveilleux pesto fait au mortier. Si plonger ce genre de mixeur dans un bocal en verre rempli de basilic, de pignons de pin et de sel paraît inapproprié et peu pratique à première vue, les lames de l'appareil coupent beaucoup plus finement les ingrédients que celles du blender standard ou du robot de cuisine.

Et une fois que l'on y ajoute le fromage râpé et l'huile, on oublie complètement l'impression de creuser une immense caverne. Lorsque j'ai discuté de ce succès inattendu avec Maurizio, Bennison et sa collègue, Livia De Giovanni, l'un d'eux a avancé une théorie intéressante: peut-être la saveur a-t-elle pu rester plus fraîche et plus douce que celle des autres pestos mixés, car le moteur du mixeur plongeant est bien éloigné des ingrédients, contrairement au moteur du robot de cuisine, source de chaleur qui se trouve juste en dessous du contenu du bol.

Méthode inspirée par cette technique, trouvée sur My Food Story

   Mettez tous les ingrédients, à l'exception du fromage et de l'huile d'olive, dans un bocal légèrement plus large que le mixeur plongeant. Hachez aussi finement que possible, en vous arrêtant de temps à autre pour racler l'intérieur du mixeur avec une spatule ou une cuillère.
   Ajoutez le fromage et continuez de mixer, en versant doucement l'huile.

Hachage à la main: couteau de chef et mezzaluna

Le hachage à la main est génial à bien des égards –il évoque l'expression «mettre de l'huile de coude» et offre une bonne excuse pour ignorer ses textos pendant une vingtaine de minutes–, mais il ne produit pas le pesto le plus homogène qui soit. L'utilisation d'une lame aiguisée, comme celles des couteaux de chef ou des hachoirs demi-lune –pour broyer les plus petits morceaux de basilic, d'ail et de pignons de pin jusqu'à ce que vous ne puissiez plus vous souvenir de votre propre prénom– permet de préparer un pesto au goût marqué.

Si les pestos réalisés au mortier et au mixeur plongeant se rapprochaient du chant harmonieux d'un quatuor, le pesto haché à la main pourrait être une chanson fredonnée par un grand interprète, accompagné d'un guitariste et d'un batteur sexy qui fait toujours des solos de deux minutes (le batteur sexy, c'est l'ail… suivez un peu!).

Comparé au hachoir demi-lune, le couteau de chef m'a permis de hacher les pignons de pin et l'ail un poil plus finement. Lorsque, dans les deux cas, je me rapprochais d'un résultat proche de la perfection, quelques morceaux récalcitrants échappaient toujours à la lame de la mezzaluna, évitant de justesse d'être coupés en deux.

Si vous appréciez que votre pesto soit plus granuleux et aimez percevoir la saveur unique de chaque ingrédient, le hachage à la main pourrait être fait pour vous.

Couteau de chef

Méthode adaptée de 101 Cookbooks

   Utilisez votre couteau de chef le plus aiguisé pour hacher l'ail et une petite poignée de feuilles de basilic. Une fois le basilic réduit en petits morceaux de la taille de confettis, ajoutez une autre poignée de feuilles et continuez à hacher. Recommencez jusqu'à ce que toutes les feuilles soient hachées.
   Une fois le basilic et l'ail finement hachés, coupez les pignons de pin en petits morceaux, puis ajoutez le fromage râpé. Quand vous aurez terminé de tout couper, vous devriez pouvoir former, à l'aide de la lame de votre couteau, un petit carré de pesto (sans huile) qui conservera sa forme.
   Pour transformer ce «gâteau» en sauce, mettez-le dans un bol et ajoutez l'huile jusqu'à ce qu'elle soit bien incorporée.

Hachoir demi-lune (mezzaluna)

Méthode adaptée de 101 Cookbooks

   En faisant des mouvements de va-et-vient avec la mezzaluna, coupez l'ail et une petite poignée de feuilles de basilic. Une fois que ces feuilles auront la taille de confettis, ajoutez-en une autre poignée, et continuez de hacher. Recommencez jusqu'à ce que toutes les feuilles de basilic soient hachées.
   Une fois le basilic et l'ail finement hachés, coupez les pignons de pin en petits morceaux, puis ajoutez le fromage râpé. Quand vous aurez terminé de tout couper, vous devriez pouvoir former, à l'aide de la lame de votre couteau, un petit carré de pesto (sans huile) qui conservera sa forme.
   Pour transformer ce «gâteau» en sauce, mettez-le dans un bol et ajoutez l'huile jusqu'à ce qu'elle soit bien incorporée.

Robot de cuisine

J'utilise mon robot de cuisine pour à peu près tout (tant qu'il s'agit de cuisine), aussi suis-je très déçue de devoir vous annoncer qu'il se révèle seulement «pas mal», et non pas «génial», quand il s'agit de faire du pesto. Les lames ont effectué un hachage correct, mais qui était loin d'être aussi fin qu'avec le mixeur plongeant. Et alors que l'huile semblait bien mélangée au départ, elle se séparait assez facilement des ingrédients solides.

Avec cet appareil, j'ai effectué deux essais distincts: le premier consistait à mettre le basilic en premier et le fromage en dernier, tandis que pour le second, le basilic était ajouté après que le fromage, les pignons et l'ail avaient été mixés. Détail intéressant (n'est-ce pas?), la préparation pour laquelle le basilic entre en premier dans la composition présentait une meilleure texture, un mélange plus uniforme. Peut-être, comme le fait remarquer Maurizio Valle lorsqu'il décrit sa technique au mortier, le pilonnage du basilic en début de préparation permet-il aux pignons de pin d'absorber leur eau, créant ainsi une consistance plus crémeuse.

En mettant le basilic en premier

Méthode adaptée de NYT Cooking

   Mettez le basilic, les pignons de pin, l'ail et le sel dans le robot. Mettez l'appareil en marche jusqu'à ce que tous les ingrédients soient finement hachés.
   Versez l'huile par l'ouverture sans arrêter l'appareil jusqu'à ce que le pesto soit lisse et bien mélangé, pendant une minute environ.
   Ajoutez le fromage et mixez pour l'incorporer au mélange.

En ajoutant le basilic à la fin

Méthode adaptée de Bon Appétit

   Mettez les pignons, le sel, l'ail et le fromage dans le robot. Mixez peu à peu jusqu'à ce que tous les ingrédients soient finement hachés.
   Ajoutez le basilic et mettez l'appareil en marche, puis versez l'huile par l'ouverture jusqu'à ce que le pesto soit lisse et bien mélangé, pendant une minute environ.

Blender

Pour cet essai, j'ai utilisé un mon vieux blender Osterizer, mais j'imagine que le résultat aurait été complètement différent si j'avais eu à ma disposition l'un de ces énormes blenders modernes (Vitamix, Magimix, etc.). Bref, le pesto fait avec mon blender était bon (j'y ai trempé plein de tortillas pendant plusieurs jours de suite, et je ne me suis pas plainte une seule fois), mais le hachage était le moins uniforme de tous les pestos réalisés avec des appareils électriques.

Ce qui ne veut pas dire que certains des ingrédients n'étaient pas coupés très très fin –au contraire–, c'est juste qu'une partie des ingrédients aurait très bien pu provenir des préparations hachées à la main. En outre, il a fallu que je double les quantités pour que les lames du blender puissent bien mixer le contenu du bol… et euh, vous avez vu le prix des pignons?

Méthode adaptée de cette recette de pesto du génial Danny Bowien

   Mettez les pignons de pin, le sel et un peu d'huile dans le blender. Mettez en marche pendant quelques instants jusqu'à ce que tout soit bien mélangé.
   Ajoutez le basilic, l'ail et le reste d'huile. Continuez à mixer jusqu'à ce que le mélange soit lisse.
   Ajoutez le fromage et mixez peu à peu jusqu'à homogénéisation du pesto.

Remarques sur la conservation du basilic et du pesto

Selon Sarah Jampel, ancienne collaboratrice à Food52, le meilleur moyen de conserver des bouquets de basilic est de plonger les tiges dans un peu d'eau, à température ambiante, comme un bouquet de fleurs. (Marcella Hazan conseille cette méthode également, dans Marcella Cucina. Elle recommande de conserver le basilic dans un endroit frais, mais pas au réfrigérateur.)

Si vous ne prévoyez pas de l'utiliser immédiatement, vous pouvez recouvrir votre pesto d'une petite couche d'huile et le conserver dans un contenant hermétique, au réfrigérateur, pendant quelques jours ou le congeler en cubes (en utilisant un bac à glaçons), que vous placerez dans un sac de congélation hermétique, où il se conservera plusieurs semaines.

Cet article a initialement été publié sur Food52.